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le Bateau de papier de l'Homme sans papier
           photographie de Patrice Alecki   oct 2018

Soupir        17

Je suis l’homme qu’on mène en bateau, fini tombé à l’amère,

Je suis La femme sirène qu’on met à l’arrière, pressée, compressée, femmes contre enfants,

de qui se fout on, les méchants sont les passeurs-fossoyeurs d’espoirs,

et les gentils c’est nous, les voleurs de minerais, pilleurs de richesses, affameurs d’enfants esclaves ;

on en a beaucoup dans les mains, on a tant dans les poches, du sang et des reproches,

on a les mains dans les valoches, ignobles…

ignorants les misères lointaines, planqués derrière nos frontières ;

pauvre famille à qui on donne nos pollutions de nantis… tu flottes encore un peu sans un cri,

personne ne viendra cette fois, tu finiras entre plastique et dégazage,

loin au fond des mers leurs âmes meurtries supplient encore une fois…

on laisse faire, les fausses querelles de nos politiques tournent en boucles sur nos écrans,

pendant que nous nous enlisons un peu plus dans nos divans…

c’est vrai on a tout, pourquoi s’en faire, même si des fois des fois on soupire, que faire ?

 un clapotis, une main qui s’efface… c’est mon dernier soupir mon frère…

la vague est lisse, sans remous et j’ai l’oubli sans remords, pas besoin d’y penser,

ces images dérangeantes, enlisées, engluées au fond des océans, refont surface de temps en temps…

ce temps est informe, irréel rapport télévisuel,

cette voix vissée entre conserve et météo absous nos consciences,

c’est réel, certain quelques secondes, j’ai un sursaut apeuré, puis j’oublie qu’on vous a tourné le dos… 

 TéTris 

So far away            22

si loin et si près ma présence solitaire et collée derrière ta porte

je gratte de mes ongles rougis le sol tassé et bétonné

personne ne m’ouvre… Si !  j’entends des pas, la porte s’entrouvre ? non…

c’est le judas qui flashe des émoticônes, ils illuminent mes espoirs

mais rien ne se passe, extinction de l’œil, pas un mot de passe ; pas de parole donnée…

j’attends, j’ai l’habitude, je fais le tour dans l’herbe verte,

je risque ma carcasse, c’est un chemin détourné, 

mon front dépasse la ligne, mes boyaux, mes membres et mon derme exotique suit, collé à mes os,

je pense, « douce France cher pays fin de l’errance ! »

je serais pardonné, surement, je ne fais que sauver ma peau,

j’emmène avec moi des pensées clandestines, des souvenirs pliés, maigres bagages de ma vie pillée…

je suis parmi nous les intégrés, désintégrés, insérés, déracinés, délogés, en attente patiente…

j’entends les slogans, je les détourne, je l’aime et tu me dis que je la quitte,

je surplombe en vacillant le tumulte grondant,

frappant les piles du pont les courants portent les visages haineux ;

mais pas de doutes, je suis incarné à vos coté, lorgnant la poussière, oubliant ma vie d’avant,

mes-aventure et survie sont mes mantras… ça y est je ne baisse plus les yeux,

il est derrière moi, le profil bas à toutes craintes, l’exclusion-expulsion, c’était avant,

maintenant mon regard est franc, ma face haute, certains m’ont aidé, réconforté, je me sens estimé ;

fini de subir la méprise et le mépris, je viens de trop loin pour rebrousser chemin,

j’ai trop reconstruit ici et tout en moi crie je ne suis pas si diffèrent …

est-ce que mes enfants chanteront la marseillaise

comme une exhortation à la guerre et une défense du territoire

ou alors « douce France cher pays de leurs enfances, »

je lui reboucle ma question :

est-tu un bout de notre terre ronde, tendue d’une voile accueillante et fraternelle ?

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l'Homme Bateau
sculpture de Patrice Alecki   oct 2023

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Errement en terre d’asile          17

Je voyage comme un témoin jeté au fil de l’eau

Ça fleure bon l’itinérance, les péripéties…place aux voyageurs

Place aux « t’es pas d’ici toi » et d’ailleurs « t’a pas notre accent »

ou alors « tu as un accent étrange ? » je réponds : « étranger oui » en souriant.

Je n’ai pas choisi de bouger, non je ne fais pas de tourisme, juste je suis là,

un migrant sans devises, oublié sur sa terre dévastée et dangereuse,

alors oui je suis parti ce n’est pas un choix c’est mon périlleux périple.

même pas peur… si, des fois, enfin souvent, c’est infime mais présent en tout temps,

de toute façon je ne cache pas mes yeux sinon je ne verrais pas les paysages, ni les gens…

et toi, est-ce que tu me vois ?

je suis les visages interchangeables recouverts de tissus usées, élimés…

je me raconte un peu… ou êtes-vous parti ? je vous parlais…

j’allais me confier… es ce que tu ne veux pas nous aider ? ça pourrait nous rassembler…

alors je survis, pourtant j’avais des projets accrochés à mes rêves, je suis un artiste,

on me dit, on n’a besoin de moi ici, le mélange culturel non merci,

et puis ça ne fait pas sérieux, es-tu utile ? ça ne se voit pas, tu es un saltimbanque ;

enfin tu m’interroges : ta famille est ici avec toi ?

oui pour l’instant, si on nous laisse le choix …

je suis un Homme bateau

j’aime l’idée de mettre un titre à la fin du texte, ou comment dire que ce n’est pas fini…

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